Tous concernés par la Drépanocytose !

Publié le par Chroniques de Rebecca

Jenny Hippocrate :

« En 2008 la drépanocytose a été proclamée Priorité de santé publique »


Le 16 juin a lieu au Zénith de Paris, un concert de solidarité réunissant de nombreux artistes afro-antillais, qui sera parrainé par Claudy Siar avec la participation exceptionnelle de Lilian Thuram.

Le Drépaction organisé en France depuis 2009 est l’un des grands combats de la Martiniquaise Jenny Hippocrate, femme de caractère dont le fils Taylor est atteint de la drépanocytose, 1ère maladie génétique au monde.

La Présidente de l’APIPD, auteur de divers ouvrages et décorée à maintes reprises (Femme Formidable de Femme Actuelle ou Chevalier de l’Ordre national du mérite), aimerait en 2013 que les populations se mobilisent davantage pour faire avancer la recherche.

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Pourquoi avoir crée le Drépaction ?

C’est une idée de Patrick Karam, ancien délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer. Cet événement a été conçu en 2009. Nous nous étions rendus compte qu’il existait le Sidaction ou le Téléthon. Nous nous sommes dits pourquoi ne pas faire quelque chose autour de la drépanocytose, dont on ne parle pas beaucoup ? Patrick Karam m’a glissée à l’oreille que maintenant qu’il avait pignon sur rue, qu’il pouvait m’aider donc nous avons lancé la machine (…) La drépanocytose ne fait pas beaucoup d’échos et ce malgré tout le ramdam que l’on a pu faire autour. Je ne sais pas qui de nous deux à trouvé le nom, c’était en 2009, nous avons lancé le concert Drépaction au Zénith, qui a démarré par une semaine de sensibilisation. Il faut savoir qu’en 2008 la drépanocytose a été proclamée Priorité de santé publique. A l’époque le concert du Zénith était gratuit, ça ne l’est plus puisqu’il nous faut quand même trouver des fonds pour faire avancer la recherche. On poursuit le travail et le projet fait son petit bonhomme de chemin jusqu’à maintenant.

 

Comment est ce que le Drépaction s’accorde avec ce qui se fait dans le reste du monde autour de la drépanocytose ?

Les associations françaises qui font des choses autour de la semaine de sensibilisation consacrée à la drépanocytose sont pour la plupart dirigées par des personnes d’origine africaine. Des événements ont lieu en France comme aux Etats-Unis … L’information est donc relayée de France en Afrique. En 2009 nous avions organisé un lâcher de ballons à Kinshasa, nous en avions d'ailleurs organisé également en Martinique et en Guadeloupe. On essaie de faire passer le message pour que d’autres entreprennent les mêmes choses que nous ou fassent quelque chose de différent, mais toujours dans un souci de faire avancer la recherche. Lors de la semaine de sensibilisation en France, il y a des conférences, des galas de solidarité, des concerts, etc. En ce qui concerne l’association que je préside l’APIPD (association pour l’information et la prévention de la drépanocytose), nous faisons appel à d’autres associations culturelles et communautaires. Ces associations organisent des manifestations avec notre collaboration, ce qui nous décharge un peu. Elles récoltent des sous qu’elles reversent à l’APIPD. Ce sont ainsi de grosses manifestations qui sont organisées durant une semaine. Par exemple cette année avant le concert du 16 juin, je serai le 12 mai en Bourgogne. Ce qu’il faut retenir c’est que même si le public entend et sait que la drépanocytose existe, on ressent qu’il n’est pas si intéressé que ça par la cause. Les gens viennent comme ça, pour faire plaisir et n’ont pas l’air très mobilisés … 

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Une histoire douloureuse

 

Peut-on revenir sur la genèse de votre combat que vous menez maintenant depuis 21 ans ?

Je ne souhaite mon histoire à personne. C’est une histoire très douloureuse. J’ai un fils qui est malade, qui a aujourd’hui 21 ans. Quand il est né et même avant, j’avais un pressentiment. Je me disais que mon enfant avait peut être la drépanocytose. Ma sœur avait déjà un fils drépanocytaire, je lui ai posé de nombreuses questions. Le médecin lui avait répondu, à elle, que ce n’était pas une maladie génétique, que c'était arrivé à son enfant parce qu’elle avait été une femme battue. Son mari lui aurait donné un coup de poing qui aurait fait tourner le sang de l'enfant. On lui aurait aussi dit que c’était un problème de globules rouges et de globules blancs. Mais ayant côtoyé le milieu médical, ayant fait des études de psychologie, j’avais vaguement entendu parler de la drépanocytose donc je me suis renseignée davantage et j’ai appris que c’était bel et bien une maladie génétique. Mon pressentiment était tel par rapport à mon fils, que le jour où j’ai croisé une ancienne élève qui faisait régulièrement l’aller-retour entre Paris et Londres, je l’ai questionné sur le fait qu’elle soit devenue maigre. Je lui ai demandé si c’était l’anorexie, elle m’a répondu que c'était la drépanocytose. Et là elle m’explique ce qu’est cette maladie, je trouvais que ça ressemblait à ce que vivait mon neveu qui était très grand et filiforme. J’ai pensé immédiatement être porteuse des gênes de la maladie. Sur mon carnet de santé, il était pourtant inscrit AA comme groupe sanguin. Quand on est porteur de la drépanocytose il est inscrit AS. (…) Mon fils est né trop tôt, puisque j’ai accouché à 7 mois de grossesse. Comme il avait un bassin assez large, on m’a fait une césarienne. Mais l’anesthésie ayant été mal faite, c’est le bébé qui a été endormi (...) On l’a emmené, il a dû être transféré de la clinique à l’hôpital Robert Debré et c’est là-bas qu’il a été transfusé, ce qui a faussé la nature de ses hémoglobines et entre temps pendant qu’il était remonté en néo-natalité, après 7 jours de coma, on m’a appris qu’il était finalement AS (…) J’ai emmené mon fils aux Antilles et là bas on a trouvé qu’il avait les mains et les pieds dodus, ce qui n’était pas normal. Il pleurait en plus beaucoup. Ma mère aussi  trouvait ça bizarre. On m’a quand même dit en Martinique que c’était normal, que c’était juste un gros bébé qui était constipé d’où les pleurs… Je suis retournée à Paris avec un bébé qui était en fait déjà en crise et subissait le manque d’oxygénation des vols transatlantiques. Je l’ai ramené à l’hôpital Robert Debré et un vendredi matin on m’a appelée pendant que je faisais mon ménage et on m’a annoncée le triste diagnostic par téléphone… « Votre enfant est atteint de la forme la plus grave de la drépanocytose » (…) « La drépanocytose est une maladie grave, il risque de mourir» a précisé la doctoresse.

 

Un problème éthique

 

Taylor a donc aujourd’hui 21 ans. On a l’impression qu’en écoutant votre récit, qu’à l’époque de sa naissance que les familles étaient peu informées. Est ce que ça a changé aujourd’hui ?

Depuis 2000 le dépistage est fait comme le test de buterie, avec la petite tape sur le talon mais il y a de la discrimination. Car ce dépistage se fait au faciès et au nom… Vous vous appelez Tarek ou Mamadou c’est ok. Mais vous vous appelez Evelyne Langlois, on ne vous fait pas le dépistage. Alors que ce n’est pas le nom qui fait si vous êtes porteur ou pas. Le dépistage est un problème éthique qu’il va falloir que l’on soulève plus tard, mais on ne m’entend pas au Gouvernement, ça fait  pourtant plusieurs années que j’ai demandé le dépistage systématique pour toutes les couches de la population (…) Nous nous sommes aussi battus pour que les annonces de diagnostic ne se fassent plus par téléphone, mais il y a quelques jours une mère m’a dit qu’elle avait eu l’annonce par téléphone. Il va falloir ce que l’on se batte encore plus contre cela également. Nous avons des équipes en France par ailleurs qui forment les élèves infirmières. Je fais aussi de la formation pour les 2è année en hématologie et nous faisons aussi de la formation continue en demandant aux hôpitaux d’intervenir auprès de sages-femmes déjà en poste, ce que beaucoup acceptent. Là où on avance bien au sein de l’APIPD, c’est que nous nous rendons dans les écoles primaires. Il faut presque prendre les enfants au berceau pour leur faire savoir qu’une maladie génétique existe.

 

Vous êtes très active sur le terrain. Mais faudrait-il faire plus concrètement pour que les mentalités changent totalement ?

On ne parle jamais trop d’aucune maladie. Il faut continuellement faire du bruit. Quand c’est la période des semaine de sensibilisation ou Journée mondiale les gens entendent, mais après plus rien. Ce qu’il faudrait que l’on arrive à faire aujourd’hui c’est qu’il y ait un spot télévisé qui soit diffusé à l’instar des campagnes de sensibilisation contre le tabac ou de d’autres maladies, que l’on voit sur des chaines nationales (…) Pourquoi ne pas faire des deals aussi avec des sociétés qui gèrent les panneaux publicitaires 4X3. Elles pourraient sur 100 000 affiches nous en attribuer 10000, ce serait super. Il faudrait tout faire pour que les gens entendent parler de la drépanocytose et voient les adresses utiles à connaître pour prendre part à la recherche. Il faudrait surtout que l’on apprenne la drépanocytose en faculté de médecine. Car tous les médecins que j’ai rencontrés m’ont avouée que lors de leurs études, ils avaient survolé le volet drépanocytose. On leur a simplement dit que c’était une hémoglobinopathie, point. Pour les études de sage-femme c’est pareil et je me suis rendue compte que lors d’examens oraux le jury était peu informé. J’ai pourtant écrit au Président de la République à ce sujet, j’ai fait un tas de courriers, j’ai écrit à tout le monde…

 

Mais n’est ce pas la peur tout simplement qui fasse que certains parlent peu de la drépanocytose ?

Oui le taux de mortalité de cette maladie effraie. Mais la peur de la drépanocytose est un faux problème selon moi. Ils ont tellement dit que ce n’était pas la maladie elle-même qui tuait, mais la complexité des symptômes liés à la maladie, que je me dit que ça induit les gens en erreur (...) Ce qui fait peur aussi c’est que nous avons tellement dit que les divers gouvernements ne font rien, qu’ils craigent aujourd’hui de se rendre compte que nous avions raison. Mais il faudrait que l’on m’explique comment l’Etat fait pour dépenser 50 millions d’euros par an pour soigner les drépanocytaires, or il n’octroierait que 7 millions pour la recherche… Il faut faire le calcul, un drépanocytaire a besoin de 20 jours d’hospitalisation par an … Donc on met 50 millions par an sur la table mais presque rien pour la recherche… Je ne comprends pas.

 

Une maladie morbide

 

Peut-on rappeler ce que subissent au quotidien les malades drépanocytaires ?

La drépanocytose c’est une maladie mortelle et même morbide. Mortelle parce qu’elle tue malgré ce que certains disent. Cette année encore nous avons eu de  nombreux décès. Elle est morbide parce que les douleurs qu’elle provoque sont indescriptibles. Je me rappelle que mon fils petit me disait que c’était comme si on lui cassait les os avec un marteau piqueur. Un jour en regardant le film Tremblement de Terre, mon fils m’a dit que ça se passait comme ça dans son ventre et le plus dur était d’attendre que ça cesse. Il m’a parlé de fer chaud, etc. Il me dit aujourd’hui, après des années de transfusion qu’il est tatoué à l’intérieur avec le sang des autres qu’il ne connaît pas (…) A 5 ans, mon fils m’a demandée le droit de  mourir. Il voulait que je le guérisse ou que je le tue. A 7 ans, il m’a demandée le droit de pouvoir être guéri. Je me souviens aussi que petit il m’a avoué avoir voulu mettre fin à ses jours, mais qu’il avait trop mal pour marcher jusqu’au balcon. La maladie en elle-même à des symptômes dominants. Il y a ces fameuses douleurs qui sont la hantise des malades et des parents, ces infections pulmonaires qui ne vont pas tuer un drépanocytaire comme un bien portant. Il existe des problèmes d’hémoglobines car une personne drépanocytaire vit avec 2,5 à 3 millions de globules rouges contre 5 à 7 millions pour une personne non drépanocytaire. Un drépanocytaire est également victime d’anémie. Les globules rouges d’un drépanocytaire se déforment à un moment de sa vie, se rigidifient et s’adaptent à la paroi des vaisseaux pour se bloquer. Pour mieux imager ce que je dis : un camion se renverse sur le périph, les autres véhicules ne passent pas… Aussi là où ça commence à bloquer, et se forment des thromboses, ce qui fait extrêmement mal au malade car l’oxygène ne monte plus vers les poumons. La drépanocytose est donc une maladie génétique, héréditaire (...) Je connais même des familles qui ont 4 enfants, 4 enfants malades (…) On ne veut pas arrêter les naissances d’enfants drépanocytaires, nous mettons les familles face à leurs responsabilités. Avec toutes les actions que nous menons, elles doivent savoir à quoi s’attendre (…) La drépanocytose est une maladie galopante (…) Le métissage favorise la maladie (…) Nous voulons aussi informer la population sur les risques encourues et le moyen de prévention le mieux adapté. Il faut le dire une fois pour toute : la drépanocytose est une maladie grave !

 

Aimer et aider

 

Comment va Taylor aujourd’hui ? Un jeune homme que beaucoup ont découvert petit garçon dans divers programmes télévisés de grande écoute.

Taylor ça va, je crois qu’il a fait un trait sur la mort annoncée et comme moi il n’a pas fait le deuil de la santé et de la guérison. Il me dit je vais guérir un jour. Petit il m’a souvent dit je vais grandir et je serai papa. C’est un garçon très symptomatique qui a quand même eu 6 infarctus pulmonaires. Taylor a bravé les interdits. Car la drépanocytose impose beaucoup d’interdits : tu ne dois pas être en altitude, pas faire de plongée sous marine… Taylor a quand même eu son Bac alors que beaucoup de drépanocytaires ont une scolarité hachée. Il est aujourd’hui en fac de physique et a crée son entreprise et il pilote de petits avions avec pour rêve de devenir pilote de ligne. C’est un jeune homme qui a tellement souffert, j’espère qu’il réalisera tous ses rêves. Par contre il n’a jamais été un enfant roi.

Le fils se porte bien mais comment va la maman ? Quel bilan faites vous sur votre vie de femme ? Sur toutes ces batailles menées pour faire connaître la drépanocytose ?

J’aurais préféré rester anonyme toute ma vie et que cette saloperie ne fasse pas partie de nos vies. Mais je ne crois pas au destin, je crois que l’on peut gérer son destin… J’ai transcendé mes propres douleurs pour faire avancer les choses. J’aime les gens, j’ai beaucoup d’amour à donner. J’ai trouvé à qui donner : aux enfants drépanocytaires. Je n’ai rien fait d’extraordinaire, j’ai fait ce que je devais faire. Tout un chacun se doit de faire quelque chose. Quand on est sur Terre, on a une mission à mener. Et pour moi une bonne mission se réduit en deux mots : aimer et aider.

 

Sur le net :

Faire un don ou tout savoir sur la drépanocytose

 

- http://jenny-hippocrate.over-blog.fr

- http://www.jennyhippocrate.fr

- www.apipd.fr

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LE DREPACTION 2013

Les Stars mettent leur popularité au service de l’APIPD

C’est un concert au coût de 100 000 euros, organisé et produit par une équipe de bénévoles. Le prix d’entrée de 25 euros servira à récolter des fonds pour la recherche, en complément de dons qui peuvent être faits tout au long de l’année. Lynnsha, Admiral T, Krys, Kéry James, Léïla Chicot, Medhy Custos, Erik Pedurand, Fally Ipupa, E.Sy Kennenga, Colonel Reyel, Tiwony, et d’autres seront sur scène, de 16 à 21 heures.

 


Pour mettre en place un tel événement, « il faut mettre son orgueil de côté » avoue Jenny Hippocrate, qui rajoute qu’elle n’a pas peur de mendier. En sachant que l’APIPD vit au travers des ouvrages qu'elle a écrit. « Nous avons un ami fidèle qui est là chaque année, c’est Admiral T! Dès sa première au Zénith, il a dit : je serai toujours là pour vous. » Le parrain Claudy Siar est aussi très impliqué pour la cause, il avait organisé le Drépaction des médias l’an dernier. Jenny Hippocrate pourra aussi compter sur le soutien de l’ancien footballeur international Lilian Thuram. Elle a choisi comme marraine, la journaliste guadeloupéenne Karine Guiock. L’humoriste Claudia Tagbo est en train de trouver de l’argent, mais pas seulement pour le Drépaction. Clémence de la Compagnie Créole soutient aussi Jenny en reversant parfois une partie de la recette de ses prestations. Sans oublier le Docteur Ostan de l'hôpital, président d’honneur de l’APIPD, qui a eu l'occasion de la faire entrer dans des sphères politiques… Aussi la maman de Taylor donne t-elle rendez-vous à tout le monde, le jour de la fête des pères pour ce grand concert de solidarité contre la drépanocytose, mais aussi après car la lutte elle la vit au quotidien.

Contact : 01 40 10 02 49 - mail : drepaction@gmail.com ou apipd@free.fr


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Publié dans Interview

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